La plupart des dessins présentés ici n'ont pas fait l'objet d'une republication en albums, ils restent donc inédits pour le public actuel.
La bande dessinée est-elle un art ou un simple divertissement? Laissons la réponse au maître :
Franquin:
"Je ne dirais pas que la bande dessinée est un art. Si l'on me posait la question, je répondrais: la bande dessinée est un art aux mains de certains, mais pas dans les pattes des autres!"
Spirou & Fantasio, Gaston, le Marsupilami, Modeste & Pompon, Les Idées Noires, Cauchemarrant, le Trombone Illustré, Les Tifous, les petits monstres, tout cela fut signé André Franquin (1924-1997).
En reprenant la série Spirou en 1948, Franquin la développe et lui donne de l'envergure, invente sans cesse de nouveaux personnages. Malgré tout, il se sent rapidement à l'étroit avec Spirou. On peut comprendre que le côté "héros" exemplaire - et toujours un peu creux par la même occasion - de Spirou n'ait pas dû être une figure facile à manier.
Déjà l'armure craque en 1968 avec l'album Bravo les Brothers: Franquin y fait ce que l'on nomme un cross-over; les personnages d'une série côtoient ceux d'une autre série. Cet album de Spirou est en fait un long album de Gaston, et il est tout bonnement excellent: les gags s'enchaînent sur un rythme effréné, le scénario est impeccable. Avec Bravo les Brothers aurait pu naître un concept encore inédit dans le monde Franquin, de l'humour sur la longue durée, comme du théâtre dessiné.
La dernière participation de l'auteur à la série Spirou, avec Panade à Champignac (1969), débute dans les mêmes circonstances, ce qui trahit une très nette envie d'aller voir ailleurs et d'arrêter le trop sérieux Spirou.
Franquin:
"J'ai l'impression que la bande dessinée s'est tellement prise au sérieux, s'est voulue tellement esthétique et profonde, qu'elle en a oublié le goût du rire! Bon, quand elle est bien fait, c'est très beau, mais ça ne me passionne pas. Mais quand elle n'est même pas à la hauteur, hou là!...."
Tout change avec Gaston (1960). Gaston est le anti-héros par excellence, sorte de mollasson à moitié endormi qui traîne de la savate en marchant, qui fume, qui a les idées toujours embrouillées dans la tête; un brave garçon qui n'est pas fait pour l'emploi qu'il occupe. Bref, un contre-exemple total pour de nombreux jeunes lecteurs, et c'est tant mieux. Alors que l'individu se doit de porter le masque que la société lui impose, Gaston reste lui-même, un peu comme le personnage l'oncle chez Jacques Tati.
Gaston, c'est l'opposé du slogan "travailler plus pour gagner plus". Son slogan à lui, ce serait plutôt "travailler moins pour vivre plus" ou encore "trouver l'astuce pour se la couler douce". Voilà qui est amusant: Gaston ne veut pas travailler. Cet état d'esprit anarchiste qui détonne dans le monde de la bande dessinée. Il y a un côté Pieds Nickelés chez Gaston: tracer sa route en se débrouillant avec ses possibilités, grâce au système D.
Gaston appartient à la graine des rêveurs, des poètes qui vont en se frappant le cœur, des touches-à-tous sympathiques qui refont le monde entre potes, de ceux pour qui trois-fois rien est déjà l'occasion de s'évader du quotidien. En comprend mieux pourquoi Franquin ne situe pas son héros dans le cadre d'un château de Moulinsart ou de Champignac. L'anti-héros n'a que faire de l'avoir matériel, il mise sur l'être humain. Le château de Gaston, c'est le hamac, c'est le petit terrier improvisé dans lequel il peut enfin pioncer en paix, entouré de ses animaux (sa mouette, son chat, sa souris). Il est l'invitation à ne pas faire comme les autres, le sale gosse malin qui n'en fait qu'à sa tête.
La liberté de ton de la série Gaston permet à Franquin de donner libre cours à son coup de crayon. A partir du moment où il assure également l'encrage de ses planches, le génie du trait s'accentue d'années en années, s'éloignant toujours plus des styles conventionnels. La ligne de dessin de Franquin fut celle d'un poète. Tout y est formidablement dessiné dans les moindres détails avec ce style qui fait qu'une roue de vélo peut-être à la fois ronde et tordue, qu'une voiture peut-être à la rigide et déglinguée, qu'un pull-over peut-être à la fois chaud et douillet. Les lampes, tables, chaises, portes, chaussures, couloirs, tout est franquinisé et acquiert un caractère propre.
Franquin: "Eh bien, justement, comme je le disais, je trouve qu'il y a trop d'esthétisme dans l'air. La "ligne claire", dont on parle actuellement, cela peut être beau, mais n'apporte rien de neuf, et ça a tendance à se refermer un peu sur soi-même".
A ce trait de crayon génial s'ajoute une imagination débordante. Oui, car il faut peut-être plus d'inventivité pour faire succès avec une série qui se déroule presque exclusivement à l'intérieur d'une rédaction qu'avec une série de science-fiction.
Comment aurait évolué la série Gaston si, au milieu des années 80, Franquin n'avait pas été gravement touché par une colossale dépression qui l'a foutu par terre ? Nous ne saurons, hélas, jamais. A plus de soixante-ans, la dépression le touche au moment même où l'expression de son génie prenait une ampleur encore jamais atteinte: Les Idées Noires (1984). Il y a quelque chose de l'ordre de l'exceptionnel dans cet album; le style, l'humour grinçant, le talent.
Une fois la dépression passée, Franquin reprend le crayon et se remet à dessiner, mais la virtuosité n'est plus au rendez-vous, Gaston a perdu son âme; quelques planches de gags supplémentaires viennent péniblement s'ajouter à la série, mais le génie a disparu. Maudite dépression! Toutefois, on peut supposer que le développement futur de la série aurait donné car, chose inédite, en lisant le dernier album normal de la série, La Saga des Gaffes, on peut réaliser ce qui était en train de se jouer: Gaston Lagaffe devenait enfin un jeune adulte. Oui, adulte! Son engagement pour la cause environnementale avec Greenpeace, sa guerre anti parcmètre avec Longtarin, et surtout sa sexualité avec Jeanne le prouvent.
En effet, Gaston commençait tout juste à connaitre une sexualité épanouie avec Mademoiselle Jeanne, ce qui donna l'occasion de quelques planches étourdissantes de sensualité, et quelques croquis non publiés des deux personnages en plein acte sexuel. Gaston fut donc l'un des rares personnages de bande dessinée à passer de l'âge de pierre à l'âge adulte. Pour de jeunes lecteurs de l'époque, il aurait pu les accompagner jusqu'à leur majorité, en se faisant toujours l'ami qui montre sa voie sans jamais devenir professoral.
Franquin: "Je ne voudrais pas que la bande dessinée serve à apprendre des choses à des gens. Elle n'est pas faite pour ça. Si la bande dessinée devient scolaire, elle se tue!"
(Toutes les citations de Franquin sont tirées du livre Et Franquin créa la gaffe, éditions Glénat)
En cette période estivale (au moment où est posté cette oeuvre), il est primordial de suivre les conseils de Fantasio pour optimaliser ses chances de vacances réussies.
Tout est indiqué dans cette illustration, publiée dans le journal Spirou n°1003 du 4 juillet 1957. La tenue de Fantasio annonce le prochain numéro spécial du journal "Spécial vacances". Les annotations à la mine de plomb autour du personnage sont de la main de l'artiste.
Magnifique illustration du roman dessiné par Delporte, Jidehem (sur pas mal de décors) et Franquin pour les personnages. Fantasio désabusé avec le monsieur ivre qui pourrait être le frère jumeau de Mesmaeker 😉... Bravo et merci pour le partage. L'histoire a été dessinée et parue dans Spirou en 1964. Sortie en album en 1981.
Du Franquin chez Fournier:
Si vous êtes fans de Spirou et Fantasio, vous n'êtes pas sans savoir que l'album n°20 restera toujours un étrange objet. En effet, lassé par la série, Franquin refile Spirou à un nouveau dessinateur, Fournier. Mais comme l'éditeur craint un changement trop brutal pour les lecteurs, il demande à Franquin de continuer à dessiner le Marsupilami dans l'album. Cela, vous le saviez déjà. Mais avez-vous remarqué qu'il y a un peu plus que le Marsupilami qui est signé Franquin dans cet album? Eh oui, dans le Faiseur d'Ori sorti en 1970, les cases suivantes sont du pur Franquin:
Pour des cases entières de Franquin dans l'album de Fournier? Fournier a-t-il eu un souci technique? Franquin a-t-il voulu aider Fournier? On ne le saura pas.
Illustration publiée chaque semaine en couverture de l’hebdomadaire SPIROU, entre le n° 1757 du 16 décembre 1971 et le n° 2031 du 17 mars 1977. Egalement publiée en couverture des reliures éditeur du Journal de SPIROU, et à l’intérieur de nombreux albums DUPUIS dans une période d’environ 6 années : page de catalogue de fin d’album pour toutes les séries, y compris les plus populaires bénéficiant des meilleurs tirages : Spirou et Fantasio, Lucky Luke, Boule et Bill, Les Schtroumpfs, Gaston Lagaffe, Buck Danny, Les Tuniques Bleues, etc. ; mais aussi page précédant le catalogue présenté en fin d’album ; page 2 des albums de la Collection Okay ; album publicitaire Chevron de Spirou et les petits Formats ; multiples promotions des Editions DUPUIS et publicités pour le Journal de SPIROU ; drapeaux de plage employés lors des tournées d’été du Cirque Spirou ; albums en langue étrangère.
Entre 1938 et 1978, l’hebdomadaire SPIROU emploie successivement neuf bandeaux titres différents illustrés d’une tête de SPIROU. Le premier est de ROB-VEL, les cinq suivants de JIJE. André FRANQUIN en crée deux et Jean-Claude FOURNIER un. Celui-ci est le huitième de cette saga graphique qui fait partie de la mémoire collective des amateurs de bonnes bandes dessinées. (Voir l’ensemble des visuels ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Spirou).
Il s’agit sans conteste de la création d'André FRANQUIN et du dessin des Editions DUPUIS qui a été publié le plus grand nombre de fois sur un support papier… sans doute sur plusieurs dizaines de millions de supports si l’on cumule les tirages des fascicules du Journal de SPIROU et des albums concernés. A ce titre, cette illustration possède une place à part dans l'immense production d'André FRANQUIN, et elle fait également partie de l'histoire des Editions DUPUIS. Cet aspect « historique » et vertigineux vient ajouter un intérêt supplémentaire à une pièce de collection aux qualités intrinsèques évidentes.
Illustration très caractéristique de la technique d'André FRANQUIN, notamment dans la vitalité de l'exécution, le rendu de l'expression du personnage, la minutie apportée à chacun des détails de ce portrait, ou le traitement raffiné des hachures de l'ombre portée. Il est toujours très sympathique et très gai - comme on dit en Belgique ;-) - de croiser du regard, sur son mur, un SPIROU aussi souriant.
Le maitre au sommet de son art. Toutes les prémisses des Idées Noires - qu'aucun scan sur écran ne saurait rendre parfaitement -, mais aussi du Trombone Illustré - i.e. le vieux professeur en case 3 - sont réunies dans ce gag en une planche parue à l'été 1969, année charnière s'il en est dans la vie de Franquin: dix-huit mois plus tôt, le maestro en "finissait" avec son Spirou dans un ultime Panade à Champignac. Libéré de ce qui était sans doute devenu un fardeau, son oeuvre devient encore plus personnelle et atteint de nouveaux sommets.
Eh ! Chers lecteurs, si vous êtes parvenus jusqu'ici, alors vous méritez quelques dessins inédits supplémentaires pour le plaisir des yeux: