Il n'est pas du genre à faire des concessions avec la précision, et cela se voit dans son œuvre. Son œil saisit les enjeux de la lumière, de la géographie et de l'espace. Sa marque de fabrique est celle d'un artiste: l'unique.
Jean Nouvel est l'un des architectes les plus influents de notre époque. Son œuvre ne résulte pas de considérations sur le style ou d'une idéologie. Elle est davantage une quête visant à créer un concept unique en combinant les personnes, les lieux et le temps à travers une approche qui lui est propre. Sa démarche contextuelle et sa capacité à insuffler une véritable singularité à tous les projets qu'il entreprend ont donné naissance à des bâtiments qui marquent les villes dans lesquels ils sont construits.
Sa philosophie architecturale consiste à créer des bâtiments qui s'intègrent dans leur environnement, en tenant compte de l'histoire et de la culture de la région, tout en utilisant les dernières technologies de construction et de design.
« Un architecte contextuel fait quelque part quelque chose qu’il ne pourrait pas faire ailleurs. Si je fais la Tour Marseillaise à Paris, ça n’aurait aucun sens. Un architecte contextuel, c’est quelqu’un qui n’oublie aucun des paramètres et surtout pas l’époque qui est le premier contexte. »
La ligne est donnée : il ne s’agit plus de produire des archétypes architecturaux à la chaîne, comme autrefois, mais de s’adapter à l’environnement en liant architecture et urbanisme :
« Il y avait des recettes d’architecture comme il y a des recettes de cuisines ; c’est fini.
Maintenant, à chaque fois, il faut réfléchir ».
La démarche est donc à l'opposé de ce qui s'est fait, par exemple, sous le Second Empire quand le baron Haussmann, chargé de l'urbanisme, décida de donner une nouvelle esthétique à la ville de Paris en instaurant une typologie architecturale inédite à la capitale. Ce fut un bouleversement majeur qui allait donner son allure à la ville, et qui permet encore aujourd'hui de désigner un immeuble haussmannien.
En ce qui nous concerne, Jean Nouvel n’a pas de marque de fabrique, et il n’en cherche pas. C’est justement ce qui lui a valu la reconnaissance de ses paires à l’international. En 2008, il a reçu le prix Pritzker, l’équivalent du Nobel en architecture.
« On m’a dit souvent que je n’avais pas de style, mais le style c’est la permanence d’une attitude intellectuelle. »
Reproduisant des motifs traditionnels de la géométrie arabe, le dispositif de l'Institut du Monde Arabe a la délicatesse et la sophistication d’un mécanisme d’horlogerie. Les moucharabiehs ont été conçus pour s’ouvrir et se fermer toutes les heures, en fonction des variations de la lumière. Le bâtiment permettra à Jean Nouvel de devenir lauréat de l'Equerre d'argent en 1987.
Quand on lui demande s'il se considère comme un artiste, il répond que l’artiste est avant-tout celui que les autres considèrent comme tel, tout en accordant que « L’architecture est un art. Il s’agit de développer toujours plus la notion de mystère et de questions plutôt que de réponses »
Toutefois, la difficulté pour l’architecte consiste à savoir jongler entre l’inspiration et les conditions qui lui sont imposées :
«Un architecte ne peut pas s’abriter derrière sa condition d’artiste pour faire ce qu’il a envie de faire ; l’architecture est d’abord utile, on a un rôle social. »
Dans l'ensemble, l'approche de Jean Nouvel en matière d'architecture contextuelle montre que la création de bâtiments exceptionnels ne doit pas se faire aux dépens de l'environnement et de la culture locale. Lorsque la question éthique se pose de savoir s’il n’y a pas conflit d’intérêt avec la réalisation du musée national du Qatar à Doha, la réponse est claire : « On ne construit pas pour ceux qui sont actuellement au pouvoir, on construit pour les peuples. »
Célèbre dans le monde entier, il réalise ses projets aussi bien à Londres qu'à Tokyo, ou du Brésil au Qatar. Tout autour du monde, Jean Nouvel constate l’expansion des métropoles et leur empiétement sur la Nature:
« Par rapport à la façon dont les villes se développent tout autour de la planète et en France aussi, il y a une sorte d’abandon des décisions sur la localisation des développements – on prend des terrains libres et on les développe comme ça, à l’infini – il faut absolument arrêter le territoire des villes. Il faut qu’autour des villes il y ait un petit chemin de ronde pour créer un renversement, c'est-à-dire que la périmétrie va devenir une ligne nette, une ligne qui va prendre de la valeur, et l’on veut pouvoir continuer à travailler et à construire en relation avec ce qui est là."
L'architecte poursuit:
"Si le Président de la République prenait cette décision là, je crois qu’il ferait un bon travail dans le domaine de l’urbain qui n’a encore jamais été fait sur cette planète. »
Quand on lui demande ce qu'il pense de l'architecture urbaine aujourd'hui, il répond:
"Je pense que, malheureusement, on est dans un système urbain où les choses arrivent trop dans l’urgence, et il n’y a rien de pire pour l’architecture que l’urgence. Il faut considérer que l’architecture c’est quelque chose qui s’élabore."
Nous ne pouvons qu'admirer les résultats de ces élaborations à travers le monde entier.
Les projets à venir se situent aussi bien à Miami, Singapour, Genève, Shenzhen, qu'en France. Les ateliers Jean Nouvel sont en constante ébullition et n'ont pas fini de nous étonner.
Références:
http://www.jeannouvel.com/
Les citations de Jean Nouvel proviennent de différentes interviews télévisées telles que la MasterClasse de France Culture, l'emission Stupéfiant !, l'émission Entrée Libre, et
Jean Nouvel by Jean Nouvel, éditions Taschen.