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Art & Culture

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La connaissance est une aventure


La Touraine: ce lys dans la vallée

Publié par Honoré de Balzac et Alfred de Vigny sur 25 Octobre 2023, 19:25pm

Catégories : #France

Bléré-la-Croix
Bléré-la-Croix, photo: Hugues Folloppe

Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ! Je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; […] sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus.1

Là se découvre une vallée qui commence à Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous les châteaux posés sur ces doubles collines ; une magnifique coupe d’émeraude au fond de laquelle l’Indre se roule par des mouvements de serpent. À cet aspect, je fus saisi d’un étonnement voluptueux que l’ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé.2

Le Clos Lucé, photo: Hugues Folloppe
Le Clos Lucé, photo: Hugues Folloppe

 

 

Nous arrivâmes à l’époque des vendanges, qui sont en Touraine de véritables fêtes. Vers la fin du mois de septembre, le soleil, moins chaud que durant la moisson, permet de demeurer aux champs sans avoir à craindre ni le hâle ni la fatigue.

Il est plus facile de cueillir les grappes que de scier les blés. Les fruits sont tous mûrs. La moisson est faite, le pain devient moins cher, et cette abondance rend la vie heureuse.

Enfin les craintes qu’inspirait le résultat des travaux champêtres où s’enfouit autant d’argent que de sueurs, ont disparu devant la grange pleine et les celliers prêts à s’emplir.

du côté de Bléré la Croix, photo: Hugues Folloppe
du côté de Bléré la Croix, photo: H. Folloppe

La vendange est alors comme le joyeux dessert du festin récolté, le ciel y sourit toujours en Touraine, où les automnes sont magnifiques. Dans ce pays hospitalier, les vendangeurs sont nourris au logis.

Ces repas étant les seuls où ces pauvres gens aient, chaque année, des aliments substantiels et bien préparés, ils y tiennent comme dans les familles patriarcales les enfants tiennent aux galas des anniversaires. Aussi courent-ils en foule dans les maisons, où les maîtres les traitent sans lésinerie.

Le château d'Amboise, photo H. Folloppe
Le château d'Amboise, photo H. Folloppe

La maison est donc pleine de monde et de provisions. Les pressoirs sont constamment ouverts. Il semble que tout soit animé par ce mouvement d’ouvriers tonneliers, de charrettes chargées de filles rieuses, de gens qui, touchant des salaires meilleurs que pendant le reste de l’année, chantent à tous propos.

D’ailleurs, autre cause de plaisir, les rangs sont confondus : femmes, enfants, maîtres et gens, tout le monde participe à la dive cueillette. Ces diverses circonstances peuvent expliquer l’hilarité transmise

le château de Chaumont (photo: H. Folloppe)
le château de Chaumont (photo: H. Folloppe)

d’âge en âge, qui se développe en ces derniers beaux jours de l’année et dont le souvenir inspira jadis à Rabelais la forme bachique de son grand ouvrage.3

À gauche, la Loire apparaît dans toute sa magnificence. Les innombrables facettes de quelques roulées, produites par une brise matinale un peu froide, réfléchissaient les scintillements du soleil sur les vastes nappes que déploie cette majestueuse rivière. Çà et là des îles verdoyantes se succèdent dans l’étendue des eaux, comme les chatons d’un collier.

Savonnières

De l’autre côté du fleuve, les plus belles campagnes de la Touraine déroulent leurs trésors à perte de vue.

Dans le lointain, l’œil ne rencontre d’autres bornes que les collines du Cher, dont les cimes dessinaient en ce moment des lignes lumineuses sur le transparent azur du ciel. À travers le tendre feuillage des îles, au fond du tableau, Tours semble, comme Venise, sortir du sein des eaux.4

étang dans le Loir et Cher (photo: H. Folloppe)

La mollesse de l'air, la beauté du climat, une certaine facilité d'existence et la bonhommie des mœurs y étouffent bientôt le sentiment des arts, y rétrécissent le plus vaste cœur, y corrodent la plus tenace des volontés.5

Les bons Tourangeaux sont simples comme leur vie, doux comme l’air qu’ils respirent, et forts comme le sol puissant qu’ils fertilisent.

 

On ne voit sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord, ni la vivacité grimacière du Midi ; leur visage a, comme leur caractère, quelque chose de la candeur du vrai peuple de Saint Louis ;

leurs cheveux châtains sont encore longs et arrondis autour des oreilles comme les statues de pierre de nos vieux rois ; leur langage est le plus pur français, sans lenteur, sans vitesse, sans accent ; le berceau de la langue est là, près du berceau de la monarchie.6

(photo: H.Folloppe)

 

1. Balzac, le lys dans la vallée

2. idem

3. Balzac : la femme de Trente Ans

4. idem

5. Balzac, L'Illustre Gaudissart

6.  Alfred de VignyCinq-Mars ou Une conjuration sous Louis XIII.

 

 

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