Le style de cette peinture à l’huile sur toile évoque à première vue les œuvres de Vermeer, avec ses intérieurs habités de personnages plongés dans leurs occupations solitaires. Ici, le mobilier lui-même fait ostensiblement écho aux toiles du maître hollandais.
Pourtant, quelque chose dans cette toile diffère. Le peintre transpose un style reconnaissable dans une époque différente, et même dans un pays différent. Pour celui qui sait regarder, l’histoire de l’art est plaisir secret.
Lorsque l’on regarde avec attention le tableau, on s’aperçoit que l’étoffe qui repose sur la table et les genoux de la jeune fille est verte, blanche et rouge… Il s’agit d’un drapeau italien ! La jeune fille est en train de coudre le drapeau tricolore italien à la veille du soulèvement populaire des Florentins qui aboutira le lendemain, 27 avril 1859, à la chute et à la fuite du grand duc de Toscane.
Odoardo Borrani peint en 1861 ce tableau intitulé Le 26 avril 1859 à Florence. Borrani veut avec cette œuvre attiser le sentiment nationaliste. Il s’agit d’une œuvre militante qui témoigne, à travers des gestes de cette jeune fille, de l’engagement de la bourgeoisie florentine pour l’unité italienne.
Le peintre fait partie du mouvement pictural des Macchiaioli (fin du XIXe siècle en Italie), mouvement fortement associé au Risorgimento*, non seulement parce que les peintres de ce mouvement se sont engagés personnellement pour l’indépendance et l’unité italiennes mais aussi, parce que c’est eux qui en établissent l’iconographie, en peignant de nombreux tableaux d’histoire relatant cet épisode important de l’histoire italienne.
En 1859-1860, lors de ce qu’il est convenu d’appeler «la deuxième guerre d’indépendance», de nombreuses révoltes naissent simultanément aux quatre coins de l’Italie encore divisée en de multiples petits états. Ces révoltes, appuyées par Napoléon III qui engage son armée aux côtés des insurgés contre l’Autriche, aboutissent au renversement des régimes en place et à l’unification du royaume de Sardaigne, de la Toscane, d’une partie de la Lombardie, de Parme, de Modène…
*(Le mot Risorgimento s'est imposé dès les années 1820 et 1830 pour désigner un élan vers l'unité nationale)