Qui se souvient aujourd’hui que certains des tableaux de Nicolas Poussin (1594-1665) ont été jugés si érotiques qu’ils ont été mutilés, découpés, voire détruits, dès le XVIIe siècle ?
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Oui, Nicolas Poussin maître du classicisme, à qui l’on doit de nombreuses toiles religieuses et philosophiques, serait en fait un licencieux caché ! Qui aurait pu imaginé que le peintre des Bergers de l’Arcadie (Et in Arcadia ego, vers 1640) réputé cérébral, abstrait, avec des compositions dont la rigueur fait sans cesse écho aux auteurs de l’Antiquité, a laissé dans son œuvre un faisceau d’indices qui tend à montrer qu’il a pratiqué l’amour vénal, à Rome, en même temps qu’il le peignait ?
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L’érotisme constitue une bonne porte d’entrée dans l’œuvre de Poussin. Quand on se met à aimer un artiste pour une certaine raison, il arrive que son talent nous le fasse ensuite aimer pour une autre raison.
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En effet, l’univers premier de Poussin est celui de l’Arcadie, une sorte de paradis terrestre peuplée de nymphes, de satyres, où l’homme et les dieux vivent en harmonie avec la nature. Toutefois, comme le précise Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du patrimoine du département des peintures du Louvre :
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« Il faut se replacer dans le contexte de l’époque. On est dans le contexte de réformes catholiques, de reconquêtes religieuses, dans une Europe très prude. Il y a beaucoup de gens qui n’acceptent pas ces nudités ; le Concile de Trente les critique, les refuse, les peintres doivent renoncer à représenter des nudités dans leurs œuvres, et Poussin fait tout le contraire. Il montre non seulement des nudités mais dans des attitudes extraordinairement provoquantes. Donc on a mille récits de réactions extraordinairement violentes face à des nudités. »1
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On a découvert que certains de ses tableaux ont été vandalisés pour des raisons de convenance, de pruderie. Dans un texte manuscrit conservé à la BnF, le collectionneur Louis-Henri de Loménie de Brienne raconte que « sa » Vénus de Poussin est nue, les jambes écartées, que c’est trop difficile pour lui et qu’il découpe le tableau pour le rendre plus acceptable. Jusque-là, on ne savait pas vraiment que l’artiste avait été censuré et vandalisé, parce que jugé trop érotique.
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Sachant cela, c’est tout une partie de son œuvre que l’on aborde sous un autre angle. Jugé peintre plutôt austère, devant les toiles duquel on passe parfois un peu vite dans les galeries du Louvre, où leurs grands formats et leurs sujets philosophiques intimident un peu, voilà que l’on découvre peu à peu que le thème de l’amour l’a obsédé toute sa vie, mais d’une manière différente selon les époques.
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Ainsi, son approche est clairement érotique dans ses peintures de jeunesse et au cours de ses années romaines. Puis, dans les années 1630, c’est la folie bachique qui l’intéresse, il peint notamment de nombreuses bacchanales pour Richelieu.
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La production de Poussin met en scène le désir qui passe par le regard et qui se concentre ici sur des nudités féminines : des Vénus, des nymphes. Poussin est vraiment un peintre ultra érotique !
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Avec le tableau Nymphe endormie surprise par deux satyres nous sommes face à l’une des œuvres les plus érotiques de Poussin. Que voit-on ? On voit Vénus qui est endormie, et regardez sa main : elle est clairement en plein rêve érotique.
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Evidemment, elle suscite le désir, le désir qui s’incarne dans le regard du satyre qui est lui-même le symbole de la pulsion, de la concupiscence, le désir dans ce qu’il a de plus charnel ; et il est en train de s’approcher, d’enlever pour mieux voir ; il focaliser sur le sexe Vénus.
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Un second satyre, caché derrière un arbre, ne perd rien non plus du spectacle et, si l’on regarde attentivement la position de son bras, on devine ce qu’il est en train de faire. Ainsi, Poussin est allé très loin dans son audace à un moment de l’histoire où tout cela était condamné.
Il faut regarder tous ces tableaux laissés longtemps de côté : le plaisir de peindre y est vraiment perceptible. On sent une liberté et une sensualité de touche dans les empâtements. C’est un artiste plein de feu, un peintre virtuose. Cette joie de l’amour irrigue partout ces tableaux où foisonnent les putti, telle une sève de vie innervant la création même.
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La vérité, ça se cherche, ça se trouve et ça se cueille à travers la peinture, l’écriture, le dessin ou l’amour. À chacun de nous d’en déchiffrer le trésor inouï.
1. https://youtu.be/QGFsMeS2q0I?si=AmOvaGTOh8w2hYxC
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