Louis XIV par Rigaud : les deux corps du Roi

Pourquoi ce portrait de louis XIV par Hyacinthe Rigaud a-t-il éclipsé tous les autres ?

Après 1701, plus aucune autre image du monarque n'est possible en dehors de la reprise de ce portrait par Hyacinthe Rigaud, et bien certainement parce que rigaud a réussi le plus difficile qui soit pour un artiste : le portrait du Roi. Mais pas de n'importe quel roi : l'idéal des rois, la perfection des rois, le chef-d’œuvre des rois, tels que les contemporains nous le décrivent, c'est à dire Louis XIV.

Rigaud a en effet réussi à exprimer ce que l'on appelle les deux corps du roi : le corps physique, matériel : c'est bien Louis XIV qu'il nous peint. Il est tout à fait reconnaissable dans sa vieillesse, avec sa bouche édentée et affaissée, mais sans que jamais Rigaud n’aille vers le bas, vers le vulgaire, vers la trivialité d'une parfaite ressemblance.

Il a ainsi doté le roi de magnifiques jambes ! Des jambes que le roi avait dans sa jeunesse, excellent danseur, mais qu'il n'a plus en 1701, au moment où il souffre de très graves accès de gouttes. C'est donc un compromis savant entre ressemblance et vraisemblance auquel Rigaud, à côté de ce corps physique tout matériel et tout éphémère du Roi, tout humain, réussit à exprimer ; l'essence même du pouvoir royal, c'est à dire le corps spirituel, l'Etat.

Et cela s’exprime au moyen des regalia - c'est à dire des instruments symbolique des rois de France - mais également au moyen d'une pompe, d'un savant assemblage entre des éléments excessivement disparates : le costume de chevalier de l'ordre du Saint-Esprit, quelques éléments tirés du sacre comme le socle, le manteau royal d'hermine flanqué de fleurs de lys, en arrière-plan une galerie qui fait penser à la galerie des glaces de Versailles, les doubles colonnes qui font penser à la double monarchie bourbonnienne - française et espagnole – et enfin les figurations de la force et de la justice qui viennent à asseoir les fondements mêmes de la monarchie absolue française.

C'est donc au portrait du portrait des rois aux portraits absolu auquel Rigaud s'est livré ici. Son exemple fera florès puisqu'il sera repris de manière sempiternelle et récurrente, quels que soient les régimes et quels que soient les souverains, puisque la formule initiée pour Louis XIV sera reprise pour Louis XV, pour Louis XVI, pour Napoléon I, pour Napoléon III, et jusqu'à nos modernes présidents de la République, le dernier à être représenté dans cette pause étant le président Georges Pompidou.

Sources:

Le tableau est présenté par Ariane James-Sarazin, conservatrice générale du patrimoine, directrice adjointe du musée de l’Armée et commissaire scientifique de l’exposition "Hyacinthe Rigaud (1659-1743) ou le portrait Soleil". Scribe accroupi sur Youtube: https://youtu.be/X_NoSBdCJgE?si=iNAUSJNsv2fnZKaj 

Au sujet des regalia, lire également l'article concernant l'épée du Roi: