Que suis-je ? Quand je pense, qu’est-ce qui pense en moi ?
Comment une conscience subjective peut-elle naître à partir de notre cerveau qui est de la matière ? La science moderne n'apporte toujours pas de réponse à ces questions.
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Le problème est si insoluble que Gotama - le vrai nom du premier Bouddha (VI ou V siècle av JC) - préférait dire qu’il ne fallait pas se poser des questions auxquelles on ne peut pas répondre. Il faut dire que, sur le sujet, le bouddhisme propose une pensée à contre-courant des canons philosophiques occidentaux sur le sujet.
Le fameux Je pense donc je suis de Descartes y est
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impossible car l’idée d’un « Ego », d’un « Je », d’un « Soi », ou d’une « Ame » est considérée comme une fausse croyance par mes bouddistes, en d’autres termes, comme une projection mentale.
Tout ce qui tient de l’emploi de « je », « vous » et « être » est considéré comme une vérité conventionnelle, quelque chose permet nous désigner les uns, les autres, mais la vérité ultime est qu’il n’y en réalité ni « je », ni « être ».
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Je crois que ma conscience c’est moi, mais même ma conscience est l’effet d’une cause qui m’échappe. Je crois en mon libre arbitre alors que toute ma pensée intérieure est elle-aussi déterminée par des causes. C’est ce que les bouddhistes appellent Anatta, la doctrine du Non-Soi.
Cela ne signifie pas que je n’existe pas, ou que ma vie serait une fiction, ou encore une virtualité. J’existe bel et bien, mais je ne peux pas à savoir précisément ce que je suis.
Pour le Bouddha, nous sommes des idées de nous-mêmes. Jamais nous ne pourrons voir clairement ce que nous sommes et indiquer : « ceci est JE SUIS ».
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C’est comme l’odeur d’une fleur qui n’est ni l’odeur des pétales, ni celle de la couleur, ni celle du pollen, mais l’odeur de la fleur.
Ce qu’on appelle « Je » ou « Etre » est seulement une combinaison d’agrégats physiques et mentaux qui agissent ensemble d’une façon interdépendante dans un flux de changement momentané, soumis à la loi de causes et d’effets (…)
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Le terme d’une « combinaison d’agrégats physiques et mentaux » est intéressant car, dans sa lettre à Herodote, le philosophe Epicure (341-270 av JC) soutient la même ligne de pensée : L’âme est un corps composé de fines parties, répandu à travers tout l’agrégat.
Comprenons que l’agrégat est un assemblage hétérogène de substances ou éléments qui adhèrent solidement entre eux. Ainsi, notre corps est un agrégat de molécules, cellules, nerfs, os, etc.
Epicure dit que l’âme est partout dans notre corps, mais elle n’existe pas de manière indépendante, elle n’existe pas hors du corps, car « le vide ne peut ni agir ni subir. Si bien que ceux qui affirment que l’âme est incorporelle parlent en l’air ».
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Le poète Lucrèce apportera toutefois une précision quant à la localisation de l’âme :
Le siège s’en établit au milieu de la poitrine :
Là, bat la peur, et l’effroi : là, la joie en nous badine ;
Là donc est le séjour de la pensée et de l’esprit.
Sans le savoir, Lucrèce montre ainsi, avec environ mille neuf cents ans d’avance, ce que confirme l’actuelle étude des moines tibétains qui entrent en état de tukdam – c’est-à-dire qui décèdent pendant leur méditation.
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Les équipes de chercheurs ont montré qu’en ce qui concerne ces moines dont le corps ne se décompose pas après la mort clinique – particularité du tukdam – il se maintient une partie corporelle « chaude » au niveau de la poitrine.
Cette zone chaude n’apparaît pas sur les appareils de mesure sophistiqués des scientifiques, pourtant elle est sensible avec le dos de la main des témoins qui vérifient régulièrement le phénomène.
Leucippe dit que l’âme est faite de feu (Aétius, Opinions, IV, III, 7). Démocrite déclare que l’âme est une sorte de feu et qu’elle est chaude (Aristote, Traité de l’âme, I, II)
Lorsque cette chaleur disparaît – cela peut mettre jusqu’à quinze jours – alors on considère que le tukdam est achevé, et le corps du moine peut entamer sa décomposition naturelle.
Ainsi, l’épicurisme et le bouddhisme, sans le savoir, se confirment l’un l’autre :
De l’âme et de l’esprit la nature est bien matérielle,
Puisqu’ils meuvent le corps, l’arrachent au sommeil,
Changent nos traits (…)
Des paroles qui font écho à ce que le Bouddha avait déclaré, à savoir que la conscience a la matière pour moyen, la matière pour objet, et la matière pour support.
Ainsi, ce que nous appelons un « Je » ou « moi », ne serait en réalité qu’un nom commode, une étiquette que nous attachons à la combinaison de constituants en changements permanents.
Références :
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W. Rahula, Les enseignements du Bouddha
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Epicure, Lettre à Hérodote
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Lucrèce, La Nature des Choses, traduction de Bernard Combeaud, editions Bouquins
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Tukdam : méditer jusqu’à la mort, Reportage Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/091079-000-A/tukdam-mediter-jusqu-a-la-mort/