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Art & Culture

Art & Culture

Il n’est pas de miel plus doux que celui de la connaissance.


Salvador Dali impressionniste

Publié par Hugues Folloppe sur 10 Avril 2017, 13:45pm

Catégories : #Histoire de l'Art

Salvador Dali impressionniste : 1913 – 1922

 

Octobre 2011, Port Lligat.

 

Arrivée pas très facile par les routes tortueuses.

Magnificence.

Enfin ce lieu. Enfin c’est ici que tout s’est passé. La plage, les collines, les rochers, la couleur de la mer, la teinte du ciel, la luminosité extraordinaire.

Port lligat, photo par Hugues Folloppe
Port lligat, photo par Hugues Folloppe

            A l’hôtel situé à 30 mètres au plus de la maison Dali.  Saveur du soir qui passe et de la nuit qui vient.  Chaleur exotique, bruits de cigales ou grillons, sensation infinie d’être au bout du monde.

 Lieu hors du commun.

            Les fourmis sortent des plinthes, les limaces du balcon, les moustiques de partout.

            Au matin, vision sublime et extraordinaire:  le soleil point à l’horizon derrière les célèbres rochers,  sa lumière est crépusculaire. A huit heures du matin, on croirait que c’est le soir.

            Sur la plage, les fameuses barques de Cadaquès sont là,  les pêcheurs pas loin.

            La maison Dali au matin.

 Tout est là,

Port lligat, photo par Hugues Folloppe
Port lligat, photo par Hugues Folloppe

Dali aussi.

Dali toujours en ce lieu incroyable.

J’ai l’impression d’être entré chez lui sans y être invité. J’ai l’impression d’être un étranger.

Je suis chez lui et je vois toutes les pièces.

 Dali va revenir d’une seconde à l’autre accompagné de Gala, ils vont me demander ce que je fais là.

            Je sens l’odeur du sol recouvert de ces immenses tapis de paille ou d’osier.

 L’atelier du maître.

 Je ne sais pas si les quelques personnes étrangères qui sont avec moi dans la pièce se rendent bien compte.  Ce sont des touristes après tout. Pas moi.

            Le tour du logis terminé, je garde la sensation profonde de m’être invité sans permission chez Dali. Je suis allé là où tout s’est passé. Je peux assurer que le génie est toujours présent.

Port lligat, photo par Hugues Folloppe
Port lligat, photo par Hugues Folloppe

Ce pays de Cadaquès, cette ambiance qui a baigné les toiles tout au long de leur réalisation, est la source. Quand je vois un tableau de Dali, peu importe le lieu et le musée, je ressens toujours la chaleur de Port Lligat, et, comme à chaque fois, mes yeux sont brûlés par le soleil et par le génie.

 

Qu'importe ce que les historiens d'art pensent de Salvador Dali ! Pour qui connaît son œuvre - tout son œuvre - ce qui saute aux yeux, c'est surtout son talent phénoménal. Alors que l'on peut considérer certaines toiles de grands maîtres de la peinture comme n'étant pas des plus inspirées, il faut croire que chez Dali  le médiocre n'existe pas. Tout est bon chez lui. Alors, laissons un instant l'homme-spectacle de côté et concentrons-nous sur le travail de l'artiste. La peinture et rien que cela.

Bien avant l'influence surréaliste qui le fera connaître au monde entier, on aurait tendance à passer un peu trop vite sur les premières peintures de l'artiste, cependant, ces toiles ne peuvent passer inaperçues aux yeux d’un amoureux de la peinture.

Regardez cette peinture de la taille d’une carte postale intitulée Vilabertran. Elle date de 1913.

Dali a neuf ans.

On peut la considérer comme sa deuxième trace peinte. Le paysage est cadré, il y a un effet de  perspective au premier plan qui crée un éloignement avec le l'arrière plan, une crédibilité quant à la position de la maison dans le paysage ; il y a un effet de lumière derrière le sommet des arbres comme pour donner l'illusion d'un embrasement dans le ciel. Pas mal pour un enfant de neuf ans, n'est-ce pas?

Déjà un travail sur la lumière, et dès 1918 c’est sa maîtrise de la lumière qui va rendre les peintures du jeune Salvador tout à fait spéciales. Voyez ce Vieillard crépusculaire, cet homme courbé qui semble se diriger droit vers le spectateur tandis que l'aube apparaît dans son dos.

 

 

 

 

 

 

 

 

Voyez cette saisissante Nature morte (ici-dessous) de la même année. On sent la puissante lumière du soleil qui vient frapper les objets et les fruits.

Pour qui s’est rendu a Cadaqués, il s’agit bien là de la lumière de ce pays incroyable. On pourrait se croire près du port, les éclats de lumière des vaguelettes se reflétant sur les objets inanimés des intérieurs de maisons. 

Donc, c'est en premier lieu une attirance pour l'Impressionnisme qui meut le jeune artiste, un impressionnisme poussé même. Serait-ce du Turner que cette Marine ou l’on ne perçoit qu’un tumulte aquatique et vague ? Cet empâtement rappelle les maîtres de style. Très vite Dali devient connaisseur de ce qui fait l’excellence d’une toile, comme par exemple la couleur dominante qui va créer l’atmosphère.

 

 

Port Dogué en teintes bleues puis Port Dogué sous le soleil vermeil.

 

 

 

 

 

 

 

Plus tard, une toile à l’ambiance énigmatique (première pour celui qui sera le maître du genre), Ma cousine Montserrat, 1917 ; on n’aurait pas pensé à rendre le sujet aussi sombre,

 

 

 

cependant les effets de luminosité n’en sont que plus fascinants, avec toujours le village de Cadaquès en arrière plan.

 

 

 

 

 Une autre toile qu’aurait pu signer un Van Gogh ou Renoir avec ce Voilier de commerce au mouillage dans la baie de Cadaqués, en 1918. On y sent la brise marine au matin, le mouvement des vagues, la lumière qui croît... à moins que ce ne soit le crépuscule derrière les montagnes.

 

Deux toiles du port de Cadaquès de nuit permettent à Dali de créer ses premiers effets de clair-obscur. La mer, ses reflets qui de forment le réel pour le rendre trouble.

Comment ne pas penser à Claude Monet toujours en de couvrant ces variations sur un même thème : L’église de Cadaquès vue en bleu puis en violet… Dali peint ses toiles comme s’il avait une maturité avancée, un âge certain.

Les coups de pinceaux, l’empâtement, les couleurs vibrantes rappellent Vincent Van Gogh dans cet Autoportrait dans l’atelier, de 1919. La lumière fraîche est encore le sujet que le peintre en action tente de capturer.

 

 

 

 

 

Influence de Monet toujours avec cette toile Les trois pins que le maître impressionniste lui-même n’aurait sans doute pas détesté. Puis, les

 

 

paysages splendides de la baie de Cadaquès sont là pour inspirer le jeune artiste.

Toujours, la mer, les montagnes, les arbres dans le vent, des tâches blanches au loin pour figurer l’architecture de la ville. D’autres prendront cette ville pour sujet : Picasso, Derain, ou même le poète Garcia Lorca. Mais Cadaquès reste le premier et éternel décor du théâtre dalinien. C’est l’éclatement des couleurs. Il ne faudrait pas oublier ces premières toiles magnifiques, gorgées de soleil catalan, baignées par la lumière rasante et chaude. Pour le moment les couleurs sont grasses, sont pleines, sont coulantes d’huile ; un jour se sera l’exact opposé .

 

Le Cap Creus aussi est un sujet de prédilection. Les premières armes artistiques de Dali ressemblent a des toiles des œuvres d’artistes confirmés. Le génie ne tardera pas à exploser. Une toute première toile préfigure le grand technicien à venir, L’entrée de la baie de Cadaqués avec le rocher de Cucurucuc et la presqu’île de Sortel. Le titre à rallonge sera une habitude chez Salvador.

Cadaqués de dos , en 1917, c'est-à-dire telle que vous la voyez en arrivant par l’intérieur des terres, par cette route sinueuse et pentue qui vous fera quelques frayeurs. La montagne positionnée derrière nous projette son ombre fraîche jusques aux pieds de la ville. 

Trois dernières toiles impressionnistes signées du jeune Salvador avant de passer à d’autres styles: le cubisme, le pointillisme et le surréalisme viendront ensuite. Le paysage de Cadaquès toujours en 1922, puis ce Chemin de Port Lligat avec vue sur le cap Creus, chemin de limite par ces murets typiques de la région et formés de pierres plates enchevêtrées les unes sur les autres. Le chemin représenté est celui que l’on voit après avoir monté le versant Est de Cadaquès par les petites ruelles. Ce chemin redescend effectivement sur une autre petite baie, bijoux éclatant, point de vue surperbe, la baie de Port Lligat. A l’époque ou Dali peint cette toile, il se rend déjà sur la plage de Port Lligat mais ignore encore que les cabanes de pêcheurs qui s’y trouvent deviendront un jour sa maison.

Il faut aimer ces premières toiles. Elles contiennent une époque, une atmosphère, mais aussi une recherche et un émerveillement d’artiste.

"Dès que je fus prêt, j'ouvris l'armoire de ma chambre et sortis les boîtes avec prudence. Je les ouvris. Les tubes de peinture étaient là. Ces tubes propres et resplendissants étaient pour moi tout un monde d'espérances, et je les regardais et les caressais avec des mains tremblantes d'émotion, comme doivent se caresser les amoureux. Mes pensées volaient très loin. Au-delà de ces couleurs j'entrevoyais tout un futur plein d'espérances et de joie. Il me semblait être en train de peindre, et je jouissais; je jouissais en pensant au jour heureux où, après un an d'effort, d'émotions et de mensonges, je pourrais commencer le travail conscient, le travail sacré de celui qui crée. Et je voyais mes tubes déversant leurs couleurs d'une grande pureté sur la palette, et mon pinceau les recueillant amoureusement. Je voyais avancer mon œuvre. Souffrir en créant. M'extasier et me perdre dans le mystère de la lumière, de la couleur, de la vie. Fondre mon âme avec celle de la nature... Chercher toujours plus, toujours plus loin... Plus de lumière, plus de bleu... plus de soleil... m'effacer dans la nature, être son disciple soumis... oh, je devenais fou! Quelle joie sera le jour où je pourrai extérioriser tout ce que j'ai imaginé, tout ce que j'ai senti et pensé en une année passée à penser, voir, devoir garder et réprimer mes soifs créatrices!"

 

Salvador Dali, 1919-1920.

 

 

Couverture©Hugues Folloppe

 

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